DIKOLOGATE

LES EXPROPRIATIONS DE DIKOLO, A BALI, DOUALA, CAMEROUN,
EN MAI 2022


LE REGARD TECHNIQUE :
INTERVIEW DE ME MANDESSI BELL

(suite)



 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




>> S’agissant de la violence de l’implacable rouleau compresseur lors de ces opérations

. Je me demande s’il n’y a pas lieu de se poser des questions sur la violence de l’implacable rouleau compresseur du 14 mai 2022 au profit d’une entité privée non bénéficiaire qui n’a en fait tout simplement pas pris pas la peine de se préparer correctement pour s’engager dans un tel projet. Le Krystal et Onomo qui ont mis récemment leurs hôtels en place ont-ils eu besoin de toute cette violence pour réaliser leurs projets hôteliers ?

Je suis d’autant plus étonnée que dans ce qui est prévu dans les textes :

. d’une part, le déclenchement de l’expropriation n’est pas automatique : l’Etat « peut », pas « doit » (Art. 1er al.1. Loi de 1985 susvisée : « Pour la réalisation des objectifs d'intérêt général, l'Etat peut recourir à la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique »),

. d’autre part, malgré leur statut, le Décret n°87/1872 du 10.12.1987 impose aux bénéficiaires d’expropriation de la 2ème catégorie dont IBC Sarl est exclue

  1.  des négociations préalables avec les personnes à exproprier,
  2.  ainsi qu’une obligation de respecter, lors de leurs achats de foncier, les règles d'acquisition de droit commun (sous-entendu celles du marché) :

Article 15 : 1. Avant le recours à l'expropriation pour cause d'utilité publique en faveur des collectivités publiques locales, des établissements publics, des concessionnaires de services publics ou de sociétés d'Etat en vue de la réalisation des travaux d'intérêt général, ces derniers doivent procéder aux négociations préalables avec les propriétaires ou ayant droits concernés.

Article 16 : Les personnes morales de droit public visées à l'article précédent doivent, en cas d'aboutissement des négociations, se conformer aux règles d'acquisition de droit commun.

MAITRE MANDESSI BELL. Si je résume le premier point : IBC Sarl n’est pas du tout éligible aux bénéfices d’une procédure d’expropriation réservée au Cameroun aux services et structures publics et aux sociétés d’économie mixte, ce qui va peut-être conforter le 3ème point que je pense vous allez aborder maintenant, Maître.

Maître Mandessi Bell. Oui.

>> S’agissant de l’absence de caractère d’utilité publique du projet de IBC Sarl

Je rappelle que l’article 1er alinéa 1 de la Loi de 1985 déjà évoquée parle de la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique en rapport avec la réalisation d'objectifs d'intérêt général. Les tribunaux ont été amenés à préciser depuis longtemps ce qu’il fallait entendre par « utilité publique » notamment dans une importante décision : EDC voulait bénéficier du schéma d’expropriation pour la mise en place d’installations de sport destinées à son personnel mais cela lui a été refusé. Notez bien qu’en dépit du fait que EDC était gestionnaire du service public qu’est l’électricité, le bénéfice de ce schéma lui a été refusé, ainsi que très bien relaté dans un document du Ministère de la Justice lui-même en ces termes :

<> Rapport du Ministère de la Justice sur l’état des Droits de l’Homme au Cameroun en 2005 page 256.

« … Il faut cependant préciser que lorsque l’État acquiert de manière forcée une propriété privée immobilière, il a l’obligation de réaliser sur ce terrain une opération d’intérêt général, sinon il y a détournement de pouvoir. Ainsi, dans l’affaire FOUDA MBALLA Maurice c/ État du Cameroun (CFJ/CAY, arrêt du 08 juin 1971), la Cour Suprême a annulé la décision d’expropriation du terrain du requérant au motif que l’administration « y construisait un terrain de sport pour l’usage de quelques particuliers (personnel de l’EDC) à l’exclusion de l’ensemble de la population de Yaoundé, … qu’ainsi ces travaux ne présentent pas le caractère d’intérêt général pouvant justifier une déclaration d’utilité publique ».

Il y a d’autres points d’appuis importants et parlants dans ces rapports du Ministère de la Justice dont j’ai examiné le contenu sur plus d’une dizaine d’années de 2005 à 2016 : à partir de leur récapitulatif des projets réalisés suite à des expropriations pour cause d’utilité publique, apparaît de manière limpide le profil type de tels projets. Exemple :

<> Rapport du Ministère de la Justice sur l’état des Droits de l’Homme au Cameroun en 2016 page 197 § 657.

Parmi les projets réalisés : Projets routiers. Projets  d’électrification. Projets de sécurisation des assiettes foncières des Universités d’Etat. Réserves foncières. Projet de construction du stade de Japoma. Aménagement de la voie d’accès au site de recasement d’Ekoko II. Travaux de  construction de l’autoroute Yaoundé-Douala etc.

Je souligne que ce sont les mêmes profils de projets que l’on retrouve dans tous ces rapports consultés, ce qui montre la réalité du critère d’utilité publique excluant les projets du type de projet hôtelier envisagée à Dikolo par la société privée IBC Sarl. Le Ministère de la Justice peut-il s’être trompé dans tous ces documents sur cette notion d’utilité publique ? Je pense que vous connaissez la réponse …

Je me permets de répéter, pour ne prendre que ces deux exemples, que le Krystal et Onomo n’ont pas généré un tsunami foncier et social pour réaliser leurs projets hôteliers qui vont néanmoins, « comme d’autres », avoir aussi certaines retombées économiques positives. Je me pose donc la question :

. pour recouvrir tout projet du vernis de l’utilité publique et pouvoir profiter concrètement, via l’expropriation, d’un schéma forcé et accéléré d’acquisition d’espaces fonciers à des bas prix sans concurrence avec ceux du marché, suffira-t-il désormais :

________-  de mettre en avant (avec les mots clés du jargon des institutions internationales
________« PIB », « croissance » etc.), les bénéfices censés être automatiquement attendus d’un
________ projet,

________-  ce, en écartant totalement la Constitution du Cameroun pourtant claire : « La
________ propriété est le droit d’user, de jouir et de disposer des biens garantis à chacun par
________
la loi. Nul ne saurait en être privé si ce n’est pour cause d’utilité publique et sous
________ la condition d’une indemnisation dont les modalités sont fixées par la loi,
sans compter
________ tous les autres paramètres du paysage ?

Dans le Point n°B70/C-26/SG/PM du 17 Avril 2017 au 1er Ministre sur le projet de construction d’un hôtel Sheraton/Marriott Douala, le Secrétariat général émettait très pertinemment des réserves sur ce projet en ces termes : « … Ces différentes évolutions font peser sur le secteur public, une pression accrue pour une implication sujette à caution dans un projet privé … ».


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